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Qu'est-ce que la stratégie? Le point de vue de Richard Rumelt


Plusieurs livres et articles expliquent comment faire de la stratégie. Tous les jours, de nouvelles publications proposent des outils de plus en plus sophistiqués pour faire de la stratégie. Un ouvrage qui me paraît fort éclairant est celui de Richard Rumelt : Good Strategy/Bad Strategy. Richard Rumelt est ingénieur électrique de formation, stratège émérite œuvrant auprès de la petite et de la grande entreprise, de même qu'auprès d’organismes à but non lucratif ou gouvernementaux. Ma première réaction lorsque j'ai pris connaissance de ce livre en a été une de grande satisfaction car il venait confirmer chez moi une intuition profonde concernant la stratégie, à savoir qu'elle fait certes appel à une diversité d'outils sophistiqués, aussi utiles les uns que les autres, mais qu'au bout du compte, la stratégie est d'abord et avant tout une question de jugement et que pour être efficace, elle doit pouvoir s'énoncer simplement et être convaincante.

Au début de ma carrière, mon patron et mentor me martelait sans cesse avec une seule et même question : "So what?" J'avais beau arriver avec les analyses les plus intelligentes et détaillées qui soient, sa question demeurait la même. Puis un jour, devant un Client important, dans le contexte d'un mandat critique, en déposant le rapport devant lui, j'ai eu la réaction d'expliquer la situation ainsi :

« Voici le rapport, il explicite clairement ce qu'il faut faire et pourquoi. Il a été fait avec vos gens. Ces derniers l'endossent et sont prêts à passer à l'action, mais avant de vous le présenter, permettez-moi de vous énoncer ce dont il s'agit et ce que nous proposons de faire. Si cela vous semble pertinent, nous regarderons ensuite le rapport ensemble. »

Je venais d'intégrer dans mon comportement le principe du "So what?", qui m'avait tant fait suer… La réponse fut percutante. Je venais de m'imposer comme une ressource stratégique auprès d'un Client qui allait m'assurer une série de contrats majeurs m'amenant à piloter des projets à l'international. J'avais réussi à convaincre mon Client de la pertinence de la proposition stratégique que je venais de lui faire en quelques phrases. Deux choses : d'une part, il était persuadé que j'allais pouvoir porter le message correctement dans l'organisation; d'autre part, lui-même était maintenant en mesure de bien présenter l'argument et de le défendre auprès de ses collègues et patrons.

Selon Richard Rumelt, la proposition stratégique ("the kernel of a good strategy") repose sur une rhétorique élémentaire : quel est le véritable défi, le défi prioritaire, qui nous préoccupe réellement maintenant? Sous quel angle particulier devrions-nous l'aborder, et pourquoi? Quel est ensuite le jeu habile et cohésif d'actions qui va nous permettre de surmonter le défi avec succès, d'atteindre la cible convenue? La structure de l'argument est simple. Bien entendu, la simplicité n'est pas une condition suffisante pour faire en sorte qu'il s'agisse d'une « bonne » stratégie. Cela dit, la simplicité est au cœur du travail de conviction nécessaire pour faire adopter une stratégie. Si vous énoncez quelque chose de compliqué, soyez certain que la force de votre argument va diminuer avec la vitesse de l'éclair lorsque vous ne serez plus là pour le présenter. La justesse de l'analyse et l'intégration des équipes sont aussi des conditions essentielles d'une bonne stratégie. Cela dit, c'est la simplicité de l'argument qui amènera votre interlocuteur (votre associé, vos collègues, votre conseil d'administration, vos partenaires) à en mesurer (juger) correctement la pertinence.

Simplicité et pertinence constituent le départ véritable d'une stratégie, c'est-à-dire d'une action réfléchie, qui est conçue de façon à assurer les meilleures chances possibles de réussite lors de son implantation.

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